Adaptation
Aujourd’hui comme certainement de tout temps et constitutionnellement, la langue est prisonnière du palais : ses sorties sont rigoureusement réglées sauf problème neurologique que notre incompétence ne nous autorise pas à aborder.
Ses fonctions fondamentales peuvent se regrouper en trois grandes catégories :
- en ce qu’elle héberge une myriade de papilles dites gustatives, elle assure le lien intérieur-extérieur, communiquant ses informations au cerveau qui établira, quant à lui, si elle doit ou non poursuivre l’expérimentation: dans la négative, elle retourne immédiatement au palais
- en ce qu’elle est un muscle, elle pourra participer à la connaissance et l’exploration de corps étrangers: baisers, cunnilingus et autres pratiques visant à se satisfaire dans le plaisir de l’autre. Toutefois, dans cet exercice, la désactivation des papilles se révélant inopérante, le cerveau, en fonction des informations transmises, pourra à tout moment interrompre le processus: aucun recours ne sera dès lors possible;
- en ce qu’elle partage avec le cerveau une complicité ancienne et qu’au surplus, elle est aussi très proche des lèvres et des cordes vocales, elle régulera par la connaissance poussée qu’elle a du palais, et l’arrivée d’air et l’ouverture labiale. La fonction de cette mécanique bien huilée est de former des mots reconnaissables par tous ceux qui partagent les mêmes codes.
Toutefois, nous insisterons particulièrement sur le fait que certains mots ou groupes de mots devront être éradiqués donc exclus de l’usage afin de permettre à notre bonne langue de sortir propre dans le monde et ainsi de n’offenser personne.
Exemples:
- aveugle=malvoyant
- sourd=malentendant
- noir=homme de couleur
- misérable=défavorisé
- ignoble bavure=dégâts collatéraux
- dictature=déficit démocratique
- vessie=lanterne
Nous nous tenons, bien sûr, à votre disposition pour vous fournir…
Poli vient de polis, la ville, civil vient de civitas, la ville, courtois vient de Cour….
Terriens de tous le pays, unissons-nous: notre langue nous échappe, elle se noie dans la guimauve! On nous confisque les mots en les vidant de leur suc mais attention :
Confucius
« Quand les mots perdent leur sens, les hommes perdent leur liberté. »
À penser avec les mots de tout le monde, nous pourrions finir par penser comme tout le monde…
Sacré programme, non…?